Compagnie et Ecole de Théâtre Intrusion
 

HOMMAGE par A. Rochard, écrit en septembre 2023

​

Juin 2023.

Un nouveau matin se lève sur Intrusion; d’une lumière plus blafarde qu'auparavant. L’école des rires et des larmes a laissé place à un silence assommant.

Les yeux baignés de lumière de notre chère présidente Simone Cizain ne se tourneront plus vers nous.

Le calme apparent de son absence fait face au déferlement d’émotions que provoque la perte d’un pilier, d’un guide, de cette femme tellement incroyable.
 

Mme Cizain, dès le berceau de la Compagnie Intrusion, a su la nourrir grâce à son regard bienveillant sur chacun de ses membres.

C’est chez elle, au Jonchay, que les premières années de répétitions ont eu lieu. C’est elle qui nous accueillait pour nos rencontres hebdomadaires, avec sa belle voix grave teintée de notes joyeuses.

Elle nous offrait alors un lieu de liberté pour nous épanouir et oser nos rêves.

Les premiers membres de la Compagnie se rappelleront des repas au Jonchay, car chaque semaine, il y avait bien un festin qui nous attendait. Goûter pour les cours, repas pour les longues répétitions. Et gare à nous si nous ne finissions pas les délicieux gratins de pâtes au canard qui avaient mijotés pour nous. Les plus malins connaissaient l’astuce: manger le plus lentement possible afin de ne jamais laisser notre assiette vide, car si cela venait à se produire, Mme Cizain, d’une louche large et bombée, la remplissait aussitôt délicatement mais fermement.

Dans ce lieu, il y avait aussi ces discussions passionnantes. Celles qui racontent le passé, les anecdotes, celles qui transmettent les connaissances, les morceaux de vie, les valeurs, qui nous font avancer, nous laissant en réalité des clés pour l’avenir.
 

L’installation de l'Ecole Intrusion aux Grands Moulins a été pour nous une belle évolution, mais en faussant compagnie au Jonchay, nous avions le cœur déboussolé des enfants qui quittent le nid.

Puis nous avons grandi davantage.

​

Alors que certains élèves de l’Ecole sont devenus professeurs et metteurs en scène, nous nous sommes rendus compte que l’accompagnement de Mme Cizain était toujours présent; nous n’avons jamais manqué de conseils ou de soutien de la part de notre chère présidente.

A chaque rencontre, à chaque fin de pièce, à chaque évènement, nous avions le droit à un mot rassurant, encourageant, toujours honnête. Nous avions à cœur qu’elle aime notre travail, qu’elle comprenne nos messages; qu’elle soit fière.

Et elle l’était !

Très fière de ce que sa petite fille, Charlotte, avait créé, fière de notre réussite et de notre évolution à tous.

​

Cette fierté d’être notre présidente était aussi tenace que la nôtre d’être représentés par cette femme forte, atypique, intelligente… et terriblement irremplaçable.

Aux saluts, nos regards se portaient systématiquement au premier rang côté jardin pour la trouver.

 

Quel déchirement de voir en juin 2023, qu’elle n’assistait à aucune de nos pièces, se battant encore pour quelques jours contre son troisième cancer, qu’elle combattait avec la plus grande fougue depuis 5 ans et demi, celui-là même qui allait l’emporter ce 24 juin. Et cette tristesse infinie de savoir que ce fauteuil resterait maintenant vide à jamais... Et cette sauvagerie de comprendre qu’on aurait dû mieux profiter des autres saluts.

Aujourd’hui, cela fait trois mois que notre présidente n’est plus, que nous sommes comme un bateau sans capitaine au milieu de la tempête d’émotions.

Pourtant, il y a ces mots qu’elle nous a répété à chaque coup dur pour nous aider à garder le cap : “Chaque chose a sa raison d’être”.

Après tout, si elle a été notre présidente durant vingt ans, c’était bien pour transmettre les clés qui nous permettraient de nous envoler une fois qu’elle nous aurait quittés.

Et même si le fauteuil reste bien vide, dans notre esprit, il sera toujours occupé par cette personne extraordinaire qu’était Simone Cizain.

​